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André Taymans, tout d’abord nos tenons à vous
remercier d’avoir voulu participer à l’association Fabble. Bon nombre de nos adhérents vous connaissent
bien ; d’autres un peu moins. 1 Pourriez-vous vous présenter et nous dire comment vous êtes venu à la bande dessinée ? Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné. Je me souviens être allé au cinéma avec mes parents voir «fantasia » de Disney. Je devais avoir six ou sept ans. De retour à la maison, j ‘ai dessiné en «cases » toute la séquence de l’apprenti-sorcier avec Mickey. Ce fut le déclenchement. Par la suite, avec une vieille caméra super 8 qui pouvait filmer image par image, j’ai réalisé quelques petits dessins animés mettant en scène des souris. Je me servais de reproductions de toiles de maître (des natures mortes) pour les décors. Le dessin animé n’ayant à l’époque aucun débouché en Belgique, je me suis tourné définitivement vers la BD, non sans avoir aussi beaucoup hésité avec une carrière musicale (je voulais devenir chef d’orchestre). 2 Avez-vous suivi des cours de dessins ou êtes vous autodidacte ? Sur les conseils de mon grand-père, qui dirigeait un journal, mais qui était aussi peintre à ses heures, mes parents m’inscrivirent à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles, section arts visuels appliqués (trois ans), puis bande-dessinée (trois autres années). Mes «petits camarades » d’atelier s’appelaient Benoît Roels, Bruno Marchand, Christian Durieux, Jean-Luc Cornette, Christophe Hanze, Florence Sterpin, sans oublier mon futur coloriste, Bruno Wesel. 3 Avez-vous été influencé par certains auteurs lorsque vous avez débuté ? Mes influences ont été multiples. J’ai dévoré des tonnes de BD et recopié un nombre incalculable d’entre elles avant d’arriver à trouver mon propre style. Il y eut néanmoins trois influences majeures. Le hasard fit que j’habitais à quelques minutes de deux géants de la BD, Will et E.P. Jacobs. C’est donc tout naturellement sur eux que se porta mon intérêt. Jacobs fût le premier «pro » à qui je fis voir mes travaux. Will devint un ami, et cette amitié se concrétisa par plusieurs travaux publicitaires en commun et par un bouquin sur son œuvre (Will, Collection privée, aux éditions Concerto), que je réalisai en collaboration avec Rudi Miel (scénariste de Charlotte) et Étienne Jacquemart. Le troisième auteur à m ‘avoir influencé fut Tillieux. 4 Vous êtes fidèle à l’éditeur CASTERMAN depuis maintenant 7 ans ; or cet album est paru chez GLENAT, est-ce que CASTERMAN n’en a pas voulu ou comme d’autres dessinateurs tels WARNAUTS-RAIVES, dans une période d’incertitude de l’éditeur, vous avez préféré vous tourner chez un autre ? Je n’ai jamais été fidèle à un éditeur en particulier. Pour rappel, j’ai débuté chez Lefrancq, suis passé au Lombard, chez Alpen, Dupuis, Bayard, pour arriver chez Casterman où, c’est vrai, j’ai réalisé le plus grand nombre de mes albums. Le nom de la maison d’édition reste, mais les équipes éditoriales changent. Rien que chez Casterman, en sept ans, mon directeur de collection a changé cinq fois. Mon attachement «sentimentale » va aux personnes avec qui je travaille, pas à un nom de société. Pour en revenir à Glénat, je voudrais préciser que je suis pas l’initiateur du projet. Le scénario de Corine Jamar avait déjà été accepté par Glénat bien avant d’atterrir sur mon bureau, et il avait déjà transité par d’autres dessinateurs, dont les essais avaient été infructueux. Corine s’est chargée de tout et je n’ai eu qu’à signer en bas du contrat. C’est donc tout à fait normal que le projet ne se soit pas fait chez Casterman. 5 Reviendrez-vous à la période animalière des «aventures de Bouchon le petit cochon» ? Il n’est pas dans les projets futurs de Casterman de poursuivre les aventures de Bouchon. Les quatre titres existants continuent leur vie parallèle à travers les replacements à l’étranger, le dernier en date étant aux États-Unis, dans la revue pour enfants de la Waner, Harvay, où Bouchon côtoie entre autres Casper, le petit fantôme. 6 Actuellement la mode est au tout ordinateur, du dessin jusqu’à la couleur : êtes-vous tenté de franchir le pas ? Non. Je suis attaché au bon vieux crayon et à la feuille de papier. Mes couleurs sont déjà réalisées sur «mac » depuis quelques années, mais je tiens à ce que la partie ordinateur en reste au travail du coloriste. 7 Quand nos adhérents liront l’album «les filles d’Aphrodite », ils découvriront au détour de la page 32, deux personnages célèbres de la bd et ô combien d’actualité ces derniers mois. Pourquoi ce clin d’œil ? Durant l’élaboration des Filles d’Aphrodite, j’ai réalisé une planche d’essai avec les personnages de Jacobs, à la demande d’une agence de publicité belge qui avait en projet un album publicitaire mettant en scène Blake et Mortimer, pour une grosse entreprise. L’album ne s’est jamais fait et j’ai intégré un strip de la planche d’essai dans mon histoire, en hommage à mon premier «professeur » (voir plus haut), sans qui je ne ferais sans doute pas ce métier de la même façon. 8 Comment se passent vos relations avec votre coloriste ? Lui donnez-vous des directives très précises sur les couleurs que vous désirez ou lui laissez-lui toute latitude dans son travail ? Comme je vous l’ai dit, Bruno Wesel (mon coloriste) est un ami de longue date avec qui j’ai fait mes études de BD à Saint-Luc. Je le considère comme un coauteur à part entière. Il a donc toute latitude pour choisir les couleurs qui lui semblent le mieux coller à l’ambiance recherchée. Je lui transmets juste les éventuels documents que je possède et de brèves indications sur le moment de la journée correspondant aux différentes séquences. 9 Quels thèmes aimeriez-vous aborder ? A première vue, je n’ai aucun thème de prédilection. Ma série Caroline Baldwin a été conçue de façon à ce que je puisse intégrer n’importe quel genre d’histoire, selon mes humeurs ou mes envies du moment. 10 N’êtes-vous pas tenté par la couleur directe qui donne un rendu fort différent de la méthode sur «bleu » ? Lorsque j’étais étudiant en BD à Saint-Luc, je ne faisais que des planches en couleurs directes. J’avais un style radicalement différent de ce que je fais actuellement. Peut-être qu’un jour, on ne sait jamais, j’y reviendrai. 11 Vous avez été publié dans le magazine A suivre ; Que pensez-vous de sa disparition ? Caroline Baldwin est née dans (ASUIVRE). Le formidable atout d’une revue, ce n’est pas tellement de faire connaître une histoire ou une série aux lecteurs de ladite revue (dans le cas d’A SUIVRE, le lectorat était tombé à presque rien, mais le tirage était resté élevé, car il faut un tirage minimum pour être distribué en kiosque), c’est plutôt d’attirer l’attention du secteur du livre (librairies, distributeurs, …) sur un nouveau «produit ». Lorsque les représentants de Casterman allaient en prendre les pré commandes en librairies, les libraires avaient déjà pu se faire une idée en lisant (A SUIVRE). De ce fait, les pré commandes étaient plus élevées qui si on leur avait simplement montré une copie de la couverture et quelques planches N/B. indépendamment de cet aspect, pour beaucoup de jeunes auteurs, (A SUIVRE) était un laboratoire où ils pouvaient tester, expérimenter des choses sur de courts récits. J’espère que le succès sera au rendez-vous pour le nouveau magazine virtuel de Casterman, (A SUIVRE.COM). 12 Vous participez à de nombreux festivals. Est-ce important pour vous d’aller à la rencontre de votre public ? Vous y rendez-vous également pour d’autres raisons ? Je participe à de nombreux festivals avant tout pour faire plaisir à l’éditeur et pour rencontre les copains. Je ne suis pas un fana de la dédicace. La séance de dédicace, qui devrait théoriquement être l’occasion d’une rencontre du grand public avec l’auteur, est devenue une sorte de grand marché pour collectionneurs. Ceux-ci ne se contentent plus d’une petite tête d’un personnage et d’une signature, il leur faut le personnage en pied, avec à l’arrière une charge de cavalerie et l’héroïne, nue si possible. Je le répète souvent, mais nous ne sommes pas là pour dessiner. Nous sommes là pour dédicacer, ce qui à mon sens n’est pas du tout la même chose. C’est pour cela que j’ai décidé, depuis déjà pas mal de temps, de faire un «dessin type » différent pour chaque titre. Je vais aussi réduire considérablement ma participation aux différents festivals, maintenant que Caroline Baldwin est sur des rails. Je vais ainsi (enfin) pouvoir consacrer un peu plus de temps à ma famille. 13 N’est ce pas trop dur de passer de la BD pour adultes à la BD pour enfant ? C’est plutôt le contraire qui s’est passé. Je suis venu à la BD adulte sur le tard. Les aventures de Charlotte ou Bouchon le petit cochon sont des travaux d’équipe. Ces albums sont le reflet de l’imaginaire des scénaristes qui conçoivent les histoires. Je suis là pour mettre en image leurs idées. Bien entendu, j’étais d’accord à la base avec ces idées, mais l’investissement personnel dans ce type de projet n’est pas comparable à celui fourni sur une histoire personnelle, en l’occurrence Caroline Baldwin. Les aventures de Caroline reflètent mon imaginaire propre et mes envies de créateur. Il n’y a donc pas de télescopage entre Bouchon le petit cochon par exemple, et Caroline Baldwin. Le premier est pour moi un travail d’illustrateur, alors que le deuxième est un réel travail de création. Il en est de même pour les Filles d’Aphrodite. Tout le scénario et le découpage ayant été faits à l’avance, mon travail se borne à mettre mon dessin au service de l’imaginaire de Corine Jamar. Il n’y a pas de problème d’ »affectif », ce qui me permet, entre autres, de travailler avec Pierre Lamar pour les décors, chose que je ne pourrais en aucun cas accepter sur Caroline Baldwin. Si on me posait la question : « Que deviendront vos séries après votre mort ? », je répondrais que j’accepterais que l’on reprenne tous mes personnages, à l’exception de Caroline Baldwin. Caroline mourra avec moi. 14 Comment faites-vous pour faire autant de Bandes Dessinées, autant d’Ex-libris et autant de tournées de dédicaces ? Êtes-vous un bourreau de travail ? Je ne suis pas un bourreau du travail. Souvent, je me dis même que je ne travaille pas assez. Par contre, je dessine sans problème ma page par jour (crayonné/encrage). Ceci explique cela. 15 Quel souvenir avez-vous gardé de la reprise de la série «Munro » ? N’est-ce pas difficile de passer après un autre dessinateur, en l’occurrence Griffo ? J’ai gardé un très mauvais souvenir de cette reprise. C’est Philippe Vandooren, directeur éditorial de Dupuis, qui m’a appelé un jour, pour me la proposer. La «mission » était claire : évacuer toutes les influences Tardi de la série. Ce que je ne savais pas, c’est que le torchon brûlait entre l’éditeur et le scénariste, Di Giorgio. Aux deux tiers de l’album, ce dernier s’est désintéressé du projet. Il a demandé des sommes exorbitantes à Dupuis, pour qu’ils rachètent le personnage. J’étais coincé, car le côté graphique appartenait toujours à Griffo. Bref, Dupuis a sorti l’album en sachant bien que ce serait le dernier. Très, très mauvaise expérience. 16 Pour quelles raisons les femmes jouent-elles un rôle aussi important dans vos bandes dessinées ? Le hasard. Dans le premier projet des aventures de Charlotte, celle-ci était accompagnée par son cousin. Après discussion avec Casterman et réécriture du scénario, seule Charlotte est restée. C’était la mode des petites filles chez l’éditeur. Sont arrivées en même temps Nathalie de Salma, Mademoiselle Louise de Geerts et Salma, Margot de De Brab, Zidrou et Falzar… En ce qui concerne Caroline, c’est à nouveau le hasard. Moon River, premier titre de la série, devait être une one-shot de 80 pages mettant en scène Frank White, une astronaute. Il y avait dans ce one-shot un tout, tout petit rôle de détective privé. Pour me démarquer un petit peu, j’avais décidé que ce serait une femme. Puis, Casterman m’a demandé de revoir tout çà pour en faire une série. Comme je ne pouvais pas ressusciter Frank White à la fin de l’histoire, j’ai étoffé le rôle de la détective et c’est devenu les aventures de Caroline Baldwin. Pour ce qui est des Filles d’Aphrodite, le scénario était écrit bien avant que je ne sois contacté pour le dessiner. Ce n’est donc pas une volonté de ma part de mettre en scène des héroïnes, mais cela me paraissait assez logique qu’une femme (Corine Jamar) veuille mettre en scène des femmes. 17 Enfin, pouvez-vous nous parler de vos futurs projets ? Trois sorties sont prévues cette année. En septembre, devrait paraître chez Casterman le premier tome d’une nouvelle série Peter Mac Namara. Le scénario est signé Patrick Delperdange, auteur de nombreux romans policiers, parmi lesquels l’excellent Coup de froid, aux éditions Actes Sud. Petite nouveauté, je co-signe cette série au niveau dessin avec Bruno Wesel, qui assure par ailleurs les couleurs. En octobre, sortie du nouveau Caroline Baldwin, chez Casterman, et du tome 2 des Filles d’Aphrodite, chez Glénat. Parallèlement à cela, dans le cadre du relookage de la collection «bibliothèque verte » chez Hachette, j’ai réalisé une vingtaine de couvertures pour la série les six compagnons. Nous avons donc hâte de vous suivre dans vos nouvelles aventures et nous vous remercions de vous êtes prêté avec complaisance, à ce petit questionnaire. |